Comment les Africains jugent la Chine

Par Pascal Airault

Affichage à Pékin lors du sommet Chine-Afrique en 2006.
Affichage à Pékin lors du sommet Chine-Afrique en 2006. © DR

Critiqués pour le peu de cas qu’ils font des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, les Chinois n’ont pourtant pas si mauvaise réputation auprès des Subsahariens.

De nombreux livres, articles de presse, documentaires et reportages télévisés sont consacrés chaque année à la pénétration chinoise en Afrique. Ce phénomène a même vu l’émergence d’un nouveau concept, la « Chinafrique ». L’empire du Milieu y apparaît sous le double visage du sauveur et de l’exploiteur, du partenaire de développement et du nouveau colonisateur. Des analyses qui ne traduisent pas forcément l’avis des populations concernées. Le réseau Afrobaromètre* a remédié à cette lacune en interrogeant près de 20 000 personnes dans 20 pays d’Afrique subsaharienne, 13 anglophones, 5 francophones et 2 lusophones, au cours de l’année 2008. Les résultats de cette enquête, datée de janvier 2010 viennent d’être publiés sur son site web.

Premier constat. La perception des Africains est loin d’être négative, comme cela peut transparaître dans les articles consacrés aux manifestations contre des commerçants chinois ou aux effets pervers de l’aide de Pékin, notamment les fameux package deal (BTP contre matières premières). Quelque 36,4 % des personnes interrogées considèrent que la Chine aide beaucoup leurs pays, 30,6 % pensent qu’elle les soutient modérément, 22,6 % un peu seulement et 12,4 % croient qu’elle ne fait absolument rien.

À y regarder de plus près, on ne voit pas de différence de perception notable entre les pays francophones, anglophones et lusophones. L’empire du Milieu recueille là les fruits de son retour en force sur le continent opéré au milieu des années 1990. Dès 1995, le président Jiang Zemin, qui a ouvert les frontières, réadapte les objectifs de son aide, passant de la priorité politique à celle de la coopération­ économique. Pékin va développer une diplomatie du « carnet de chèques » en échange de matières premières et de l’ouverture des marchés africains. Le « Quai d’Orsay » chinois soigne aussi son image en aidant les pays en pleine reconstruction après des années de guerre civile. Plus de 47 % des Mozambicains et 54% des Libériens jugent très positivement l’engagement chinois.

Des Produits bon marché

Deuxième constat. Les populations des pays soutenus par la République de Chine (Taiwan), le Burkina et le Malawi jusqu’en 2008, considèrent que leur partenaire les a beaucoup aidés. L’île de Formose intervient dans les domaines de l’agriculture, de la santé, des infrastructures. Les Burkinabè lui doivent notamment le financement d’un nouveau centre hospitalier universitaire et du Palais des sports de Ouagadougou.

Troisième constat. Le montant des investissements directs chinois joue peu dans la perception des populations des pays concernés. De même, la hausse des importations de produits made in China ne remet pas en question l’image du géant asiatique. Moralité : les Africains sont trop contents de trouver des biens de consommation « bon marché », et la défense de l’industrie locale ne pèse pas lourd.

En fait, les citoyens du continent les plus sceptiques à l’égard de la grande Chine, comme le relèvent les auteurs de ce rapport, sont ceux qui attachent une valeur particulière aux droits de l’homme et à la démocratie. Beaucoup ont néanmoins bien d’autres priorités quotidiennes…

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* L'Afrobaromètre étudie l'opinion des Africains sur la démocratie, la gouvernance, les réformes économiques, la société civile et la qualité de vie. La constitution de ce réseau est une initiative conjointe de l'Institut pour la démocratie en Afrique du Sud (Idasa), du Centre ghanéen pour le développement démocratique (CDD) et de l'université du Michigan, aux etats-Unis, en association avec d'autres centres de recherche et universités nationales.

 

 

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