La course à l'Obama, par Marion Van Renterghem

Le premier ministre irlandais, Brian Cowen, les a bien eus : avec un chômage en hausse vertigineuse, son déficit public prévu à 11 % qui lui vaut une mauvaise note de l'agence de notation Standard & Poor, il est le seul dirigeant européen, après Gordon Brown, à avoir eu les faveurs de Barack Obama et du bureau Ovale. Quarante longues minutes, deux semaines avant le G20 de Londres, à parler crise mondiale, système bancaire, et même crimes terroristes en Irlande du Nord. Le président l'a assuré des prières des Américains. Victoire suprême, il a prononcé "Is féidir linn", ce qui, comme chacun sait, veut dire "Yes we can", en gaélique.

O'bama, tellement gaélique ! Les Irlandais se sont repassé la nouvelle en boucle : "Barack" a des racines irlandaises et avait jadis tenté de trouver dans son prénom de vieilles souches celtiques. Du côté de sa mère, on viendrait même du comté d'Offaly, le coin perdu de M. Cowen. "Nous sommes peut-être cousins", a dit M. Obama à un premier ministre émerveillé.

Nicolas Sarkozy en aurait rêvé. Avec la nouvelle idole mondiale, il a tout essayé. Il avait réussi à inviter le candidat Obama à l'Elysée et à se trouver avec lui un point commun, leurs noms de famille venus d'ailleurs. Le jour de l'élection, il avait accompli ce coup de maître de lui envoyer le premier ses félicitations, une heure avant Gordon Brown, deux heures avant Angela Merkel, si vite, qu'il en avait oublié le "c" de Barack. Avec l'espoir fou d'être le premier à rencontrer l'élu, il avait fait préparer un avion pour s'envoler vers lui à Chicago, en novembre. Raté : la Maison Blanche a décliné. Et Gordon Brown, qui n'est pas le cousin irlandais mais le vieil allié britannique, a damé le pion à tout le monde : reçu à la Maison Blanche, le voilà hôte du G20, triomphant sur la photo.

Dans la course européenne à l'Obama, Le Figaro avait offert au président français son rêve : à sa "une", un photomontage de Nicolas Sarkozy et de Barack Obama, chacun face à face au téléphone, comme pour de vrai, alors qu'ils devaient se parler le lendemain. Mais pour l'autre rêve sarkozien, une étape d'Obama à Paris entre le G20 et le sommet de l'OTAN à Strasbourg, c'est encore raté. On espère encore qu'il viendra sur les plages de Normandie pour fêter le Débarquement, le 6 juin. En attendant, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel n'auront droit qu'à une mini-rencontre en marge du sommet de l'OTAN.

Entre les Européens et Obama, l'amour est à sens unique. Les premiers sont persuadés que dans le monde multipolaire qui émerge, l'Amérique d'Obama a besoin d'eux. Finie, l'hyperpuissance née de la chute du mur ? Le président américain n'en est pas convaincu. Il n'a pas le temps de s'arrêter à Paris ni à Berlin, mais ira à Prague chez les eurosceptiques sans gouvernement et passera deux jours en Turquie, son allié stratégique de l'OTAN. Dans son discours d'investiture, comme l'a malicieusement relevé The Economist, il est un mot qu'il n'a pas prononcé une seule fois : Europe.

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