S'excuser pour Sarkozy, une stratégie à double tranchant pour Royal

C'est par un court communiqué mis en ligne, samedi après-midi, sur le site Désirs d'avenir que Ségolène Royal a annoncé qu'elle s'excusait auprès du premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero pour des propos attribués à Nicolas Sarkozy. Des "excuses publiques" similaires à celles que l'ancienne candidate à la présidentielle avait déjà formulées, début avril, lors d'un voyage Dakar. Il s'agissait, cette fois, de demander "pardon" pour le discours de Dakar de M. Sarkozy, jugé offensant. Dans un cas comme dans l'autre, les déclarations de Mme Royal ont suscité une vague de critiques, quelquefois très dures, dans la majorité, et un soutien, quelquefois très discret, du côté du Parti socialiste.

Mme Royal a justifié sa démarche par un autre communiqué, déclarant qu'elle s'exprimait non pas au nom de la France, mais au nom de "la République du respect". "Le mépris verbal, les déclarations fanfaronnes et désinvoltes qui se multiplient dans les propos du chef de l'Etat, ça suffit : il faut y mettre un coup d'arrêt", a-t-elle dit, alors que la polémique grandissait.

Reste que la stratégie visiblement adoptée par la présidente de la région Poitou-Charentes est à double tranchant. Interrogé par l'AFP, Jean-François Doridot, expert chez l'institut Ipsos, estime que ce genre d'initiative peut rapidement se retourner contre son auteur. Mais elle a au moins le mérite de la "faire exister" sur la scène nationale, ainsi qu'au PS, où Ségolène Royal montre que "même si elle n'est pas première secrétaire, elle tient une place importante". Après Dakar, un sondage IFOP pour Paris Match rapportait ainsi que 56 % des Français désavouaient la méthode utilisée par la socialiste. Dans le même temps, 70 % des sympathisants PS la trouvait "justifiée".

"S'IL Y A ERREUR DE CIBLE, CELA PEUT SE RETOURNER CONTRE ELLE".

Le choix des sujets n'est également pas étranger aux ambitions de Mme Royal. En s'emparant de dossiers diplomatiques, un domaine historiquement réservé au président de la République, elle "est en train de mettre en place un shadow président", estime M. Doridot, une référence au contre-gouvernement mis en place par l'opposition britannique. Le danger de cette nouvelle sortie est que le "contre-discours de Dakar" portait sur une position officielle de la France, alors que les propos incriminés, qui auraient été tenus lors d'un déjeuner à l'Elysée avec des parlementaires, n'étaient pas publics et ont été infirmés par plusieurs sources, dont l'Elysée. "C'est plus risqué, concède le politologue Dominique Reynié sur les ondes de RTL. Avec cette méthode, s'il y a erreur de cible, cela peut se retourner contre elle".

Dernier en date à défendre le président, l'ancien socialiste Bernard Kouchner qui a estimé que les propos avaient été mal interprétés. "Comment voulez-vous que le président de la République ait pu proférer autre chose, il s'entend merveilleusement avec M. Zapatero", a-t-il déclaré, dimanche. Au sein du PS, les nouvelles excuses de Ségolène Royal ont été accueillies avec prudence. Les responsables socialistes qui sont montés au créneau, dimanche, pour répliquer aux attaques de l'UMP n'ont pas insisté sur le message, ni même soutenu la démarche, comme cela avait le cas à Dakar. La plupart ont souligné les réactions "disproportionnées" et le comportement de M. Sarkozy.

"Les socialistes se sont sentis obligés de soutenir Mme Royal, d'autant plus qu'ils n'ont d'autre discours qu'une ligne centrale d'anti-sarkozysme, a jugé le politologue Gérard Grumberg. A chaque fois, elle les piège en choisissant un sujet cher à leur coeur. Et en l'occurrence, Zapatero est le dirigeant que les socialistes français aiment le mieux". Autre objectif, selon Dominique Reynié, se "distinguer" par rapport à la première secrétaire, Martine Aubry, "en utilisant un registre que Mme Aubry n'est pas capable d'utiliser, à savoir une façon très spectaculaire de faire de la politique". Mme Aubry, qui avait apporté son soutien à son ancienne rivale au début du mois, n'a pas encore officiellement réagi.
Le Monde.fr avec AFP

 

 

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